FOCUS : Charles Carrère et La Réunion
En 1987 l’île de La Réunion c’était le bout du monde ….

auteur M.Bitton
Insertion des indications@JanieC
En 1987, le Père Émile Baptiste est prêtre à La Réunion et officie en l’église de saint André dans la commune du même nom.
Charles Carrère va recevoir un appel du Père Émile qu’il connaît bien puisque comme lui, il est originaire du Pays Basque nord. Il demande au Maître Verrier dont il apprécie l’oeuvre de lui faire parvenir en guise de curriculum vitae quelques maquettes de vitraux qu’il a réalisés au Pays Basque. Ils vont ainsi échanger pas mal de courriers… L’association paroissiale entrera aussi en contact pour définir les choix des thèmes envisagés pour les vitraux.

Photos©AssociationCharlesCarrère
Les vieux amis sont heureux de se revoir, Charles Carrère a fait le voyage car la prise de mesures et la visite de l’église est indispensable pour prendre connaissance du lieu et de la lumière. De plus, les rencontres et discussions en direct accélèrent la prise de décision.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Une fois les thèmes définis, les mesures sont prises et les calculs de surface se précisent.
Les notes du Maître Verrier en attestent : il y aura au final 70,12 m2 de vitraux : 14 vitraux et 3 rosaces.
Charles Carrère livrera le travail complet en 3 ans.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Les échanges de courriers seront nombreux avec moult croquis et explications. Le travail se fera sur plusieurs années et en deux envois.

À peine rentré de son long voyage Charles Carrère se met au travail dans son atelier
Pour La Réunion il réalise des vitraux en dalles de verre
Après avoir dessiné et fait valider les croquis, le Maître Verrier va réaliser une maquette précise à l’échelle 1/1 pour chaque chaque vitrail. Il s’agit d’un dessin à l’échelle sur lequel il va tracer les emplacements de l’armature qui, dans ce cas-ci, ne comportera pas de plomb mais sera en ciment.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Ensuite il réalise l’équivalent du « patron de couturière » c’est à dire que chaque pièce est reproduite sur un carton dur. Charles Carrère taille ensuite chaque pièce selon les calibres : il pose sa dalle de verre sur le tranchet que l’on aperçoit planté dans le billot de bois et à l’aide de la marteline il frappe la dalle de verre jusqu’à obtenir la forme désirée. Il parlait d’écouter la note du verre pour saisir le bon moment et la bonne impulsion de frappe.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Lorsque la taille de toutes les pièces est terminée, il place alors les dalles sur la table de coulage. Il réalise un coffrage aux dimensions de chaque panneau et coule le mortier en insistant avec la truelle pour les gros joints puis il termine au mortier plus liquide.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Le vitrail sera ensuite nettoyé pour le débarrasser du ciment superflu. En attendant le séchage complet, le Maître Verrier entame un nouveau croquis pour l’oeuvre suivante.
Six vitraux en dalles de verre vont partir d’Anglet pour l’île de La Réunion
Charles Carrère s’organise afin de bien protéger ses vitraux pour le voyage
Heureusement Bayonne n’est pas loin et le port de Bayonne abrite des sociétés spécialisées pour le transport maritime. Dès lors le Maître Verrier commande 6 solides caisses maritimes

Photo©AssociationCharlesCarrère
La mise en caisse de chaque vitrail en dalles de verre est une opération délicate. Un vitrail en dalles de verre ce n’est pas léger ! Heureusement Charles Carrère est assisté pour la mise en caisse et la photo permet de bien voir à quoi ressemble un vitrail en dalles de verre avant sa pose.

Une fois le vitrail installé dans son « écrin », il est protégé des chocs par une matière qui ressemble à de la paille, ensuite la caisse est solidement fermée parfois même sanglée.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Les premiers vitraux sont prêts pour le grand voyage ! Un transporteur bayonnais va acheminer les premières caisses depuis Anglet jusqu’au port de Rouen.

Photo©AssociationCharlesCarrère

Photo©AssociationCharlesCarrère
Le transporteur maritime de Rouen embarque les caisses pour Le Havre. Le porte-conteneur partira du Havre pour l’île de La Réunion dans l’Océan Indien.

L’avis d’embarquement marque l’étape de départ du long voyage des caisses contenant les vitraux de Charles Carrère jusqu’à Saint-André de La Réunion.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Comme indiqué sur le bordereau de l’avis d’embarquement, la date prévue de départ est le 05/05/1989 et la date prévue pour l’arrivée est le 26/05/1989. Les caisses sont déposées dans un conteneur. C’est le porte-conteneur le Rosa M qui embarque le précieux colis. Les vitraux de Charles Carrère naviguent enfin vers La Réunion !

auteur M.Bitton
Insertion du trajet du bateau par JanieC
Et enfin, comme prévu après 21 jours de voyage, le Rosa M arrive au port de La Pointe des Galets. Il est situé sur la commune du Port. Charles Carrère est présent pour immortaliser l’événement.


L’église Saint-André sur la commune de Saint-André
Charles Carrère a réalisé sur place le nom de l’église en mosaïque
Ensuite tout le monde vient aider pour installer le nom sur la façade. Le matériau est lourd et c’est une opération délicate.

Photo©AssociationCharlesCarrère

Photo©AssociationCharlesCarrère
Aujourd’hui la mosaïque est toujours en place sur la façade de l’église. La mosaïque a été exécutée en émail de Venise. Chaque tesselle est taillée à la marteline et intégrée au triangle cimenté.

CC BY-SA 4.0 commons.wikimedia.org
Découverte des 6 vitraux en dalles de verre
L’église se pare des couleurs des vitraux
Vitrail de Saint-André : la croix de Saint-André : on l’appelle ainsi parce que Saint-André a été crucifié sur une croix en forme de X. Le vitrail nous raconte plusieurs histoires.
Il nous montre le ciel avec les astres, le soleil et les étoiles mais aussi la mer qui semble déchaînée. Cette mer c’est la mer de Tibériade appelée parfois Lac de Génésareth ou Lac de Galilée et aussi tout simplement la mer. Charles Carrère a représenté les deux scènes fortes qui s’y sont déroulées : la tempête apaisée et la pêche miraculeuse.
Le Maître Verrier a représenté la barque de Pierre symbole de l’église naviguant sur les eaux agitées du monde.
Le filet de pêche rappelle le royaume des cieux et les poissons de toutes espèces pêchés dans le filet sont les fidèles qui rejoignent l’église.
Charles Carrère a inséré discrètement un symbole en guise de clin d’oeil au Père Émile et aux basques qui passeraient dans l’église. C’est en bas à droite, c’est la croix basque symbole identitaire qui se traduit lauburu.

Photo©JulietteLassalle – Nov2011
Vitrail La Création : Le vitrail nous rappelle le récit de la Genèse.
Tout en haut à gauche la nuit avec la lune et à droite le jour avec le soleil. La lumière sort du chaos : Livre de la Genèse (Gn1) Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière « jour », il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le premier jour. »
Le grand soleil central positionné dans une sorte de mandorle est lui aussi divisé en une partie sombre et une partie claire rappelant le matin et le soir, la lumière et les ténèbres.
On aperçoit les eaux poissonneuses, l’oiseau dans les airs, l’arbre central avec ses branches et ses feuilles représente le monde végétal de la création.
Ensuite à gauche Charles Carrère a représenté un animal sauvage qui fait face à un animal domestique que l’on aperçoit à droite.
Des fruits et des herbes complètent la symbolique du monde végétal.
Et enfin en bas on aperçoit 2 mains : ce sont celles de Dieu qui pétrit l’homme avec le limon de la terre et le crée à son image.

Ci-dessous le même vitrail photographié en 1989 dont les couleurs semblent plus pâles que la photo ci-dessus qui semble un peu saturée. Nous espérons recevoir éventuellement d’autres clichés pour tester.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Vitrail la Vierge Marie : Charles Carrère choisit de la représenter en gloire dans une mandorle.
La Vierge Marie porte un médaillon sur la poitrine. On y reconnaît l’enfant Jésus représenté comme dans les médaillons grecs anciens de l’église orientale orthodoxe.
De part et d’autre de la Vierge on aperçoit la lune à droite et l’étoile à gauche, c’est l’étoile du matin. Cette étoile du matin se retrouve dans l’Apocalypse 22:16 lorsque le Christ se définit lui-même » Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous attester ces choses dans les Églises. Je suis le rejeton et la postérité de David, l’étoile brillante du matin. »
Et le Maître Verrier laisse aussi avec cette étoile du matin « Stella Matutina » l’idée du symbole de la Vierge Marie.
En bas à droite on aperçoit un vase vert avec une fleur. C’est le vase d’élection autre symbole de la Vierge qui a donné naissance à Jésus.
À gauche, face au vase et dans un cercle, la lettre M couronnée. C’est le rappel des Litanies de la Vierge : « …Reine des anges, patriarches et prophètes… »
Au milieu à gauche on aperçoit une fleur blanche c’est le lis des vallées tel qu’il est défini dans le Cantique des Cantiques « Je suis la rose du Sarone, le Lis des vallées… » Ct 2,1.
Enfin en bas au centre du vitrail on aperçoit le tronc de l’arbre de Jessé dont le feuillage surgit au dessus de la mandorle. L’arbre de Jessé c’est le symbole de la généalogie de Jésus.

Photo©AssociationCharlesCarrère

Photo©AssociationCharlesCarrère
Autre Photo plus centrée sur la Sainte Vierge Marie :

Vitrail la croix arbre de Vie : Pour ce vitrail Charles Carrère s’est inspiré de chants liturgiques.
Le premier chant nous renvoie aux chants du vendredi saint :
« Ô croix dressée sur le monde, Ô croix de Jésus-Christ, Fleuve dont l’eau féconde, du coeur ouvert a jailli, par Toi la vie surabonde, Ô croix de Jésus-Christ »
Le Maître Verrier a représenté un arbre sur le globe terrestre dont sort la croix en bois équarri, le bois de la croix du vendredi saint. Le fond est rouge pour une mise en gloire rappelant la passion.
Sur les branches de l’arbre, sept oiseaux représentent les 7 dons du Saint-Esprit : La Sagesse – L’Intelligence – Le Conseil – La Force – La Science – La Piété – La crainte de Dieu (pas dans le sens de la peur mais dans le sens qu’il nous faut rester humbles)
En haut en blanc sur fond jaune (dans la lumière) le Chrisme qui est le sceau du Christ. Le Chrisme c’est le monogramme du Christ formé des deux premières lettres grecques de son nom c’est à dire les X (Khi) et P (rho)

Photo©JulietteLassalle – Nov2011
Vitrail Nuit Pascale : La Nuit Pascale est aussi appelée Vigile Pascale ou Veillée Pascale.
Charles Carrère a choisi d’installer au centre du vitrail le lutrin sur lequel est posé « Le Livre » source de vie qui symbolise la Bible. Durant la Nuit Pascale les lectures retracent les grandes étapes de l’Alliance que Dieu fait avec l’humanité.
Juste au dessus de la Bible il écrit « Je suis » et à droite on aperçoit des flammes d’un feu en référence à l’épisode du buisson ardent où Dieu dit son nom à Moïse « Je suis celui qui suis » (ou Je suis celui qui est – selon les traductions).
Derrière le pied du lutrin on aperçoit de l’eau et sur la droite, une main qui tient un bâton et qui frappe le rocher. C’est en référence à un verset de la Bible : Exode 17.6 « Je vais me tenir devant toi, là, sur le rocher – en Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira. Moïse fit ainsi, aux yeux des anciens d’Israël ».
Il y a une croix sur le rocher car Charles Carrère fait référence au fait que le rocher préfigure le Christ.
Tout en haut du vitrail dans une gloire de lumière, l’oiseau symbole de l’Esprit Saint.
Enfin, tout en bas un cerf s’abreuve tel que cité dans le psaume 42 : « Comme un cerf soupire après des cours d’eau, Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu ! ». Le cerf s’abreuvant peut être compris, dit le Maître Verrier, comme la motivation du fidèle qui souhaite être baptisé.

Photo©AssociationCharlesCarrère
Vitrail l’Eucharistie : l’Eucharistie précède la communion.
Charles Carrère a figuré la table dressée et en bas à droite la coupe débordante du psaume 23 : » Devant moi tu apprêtes une table face à mes adversaires ; d’une onction tu me parfumes la tête, ma coupe déborde » (v. 5). Le Maître Verrier traduit ainsi l’hospitalité que pratique le Seigneur à l’égard des humains.
Sur la table on aperçoit le poisson et la corbeille de pain symbolisant le miracle de la multiplication des pains traduisant la nourriture du corps.
Quant au blé, la grappe de raisin et la coupe ils représentent le sacrement de l’Eucharistie.
En haut, l’Hostie en gloire et le IHS qui représente le monogramme du Christ.

Photo©AssociationCharlesCarrère
LA SUITE TOUT BIENTÔT IL RESTE ENCORE PAS MAL DE PHOTOGRAPHIES À FAIRE ET À RÉCUPÉRER POUR RÉUNIR L’OEUVRE ENTIÈRE.
À TRÈS VITE POUR LA SUITE – MERCI DE VOTRE PATIENCE !