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FOCUS : Tout part d’un caprice !

La rencontre

C’est le 16 mai 2017 que je rencontre Charles Carrère au Musée Basque et de l’histoire de Bayonne. Je suis correspondante de presse pour un journal local et je couvre l’événement de la signature de la convention officialisant le dépôt au musée d’une mosaïque propriété de l’Aviron Bayonnais réalisée en 1949 par Jean Lesquibe. Charles Carrère en avait supervisé la restauration, effectuée par Jean-François Perry.

Arrivée en avance, je monte à l’étage afin de photographier l’oeuvre. C’est alors qu’un vieux monsieur assis à l’entrée de la salle m’appelle et me demande qui je suis. Nous bavardons, j’apprends qu’il s’appelle Charles Carrère et qu’il était l’apprenti de Jean Lesquibe. Il me demande d’où je viens car il a repéré un belgicisme dans l’une de mes phrases. Je lui réponds que je reviens de l’île de La Réunion mais que je suis d’origine belge. Il m’invite alors à venir voir son atelier pour me montrer les photos des vitraux qu’il a réalisés à La Réunion. Ce ne sera que plus tard que je comprendrai que c’est mon origine belge qui l’intéressait le plus.

Première visite

J’ai promis alors j’y vais. Je me rends donc chez l’artiste me demandant ce que je vais découvrir. Charles Carrère ne me laisse pas le temps de contempler les tableaux étranges que j’aperçois au mur dont certains attirent mon regard car je reconnais de la végétation typiquement réunionnaise. Il m’emmène dans l’autre atelier, celui où il peint, me fait asseoir et me demande de l’attendre alors qu’il disparaît dans une petite pièce au fond de l’atelier. Il revient avec un grand carton vert, l’ouvre et me dévoile un dessin au fusain ponctué d’un « Voilà » et puis se tait et m’observe….

Dès le premier coup d’oeil, je salue intérieurement le bon dessinateur puis je me penche pour lire le titre de l’oeuvre. Dante et Virgile… et là, ça me saute aux yeux c’est donc l’enfer qu’ils traversent en saucière… J’éclate de rire. Lui reste impassible et m’observe… Je lui dis : « Mais vous êtes complètement surréaliste monsieur Carrère » ! Là, son regard s’illumine… Et je termine : « Elle est divine votre comédie à la saucière » ! Enfin je gagne l’esquisse d’un sourire qui me rassure.

Il m’explique que la saucière qui a servi de modèle est celle de sa grand-mère dont il se sert encore. Nous discutons et nous parlons de « La divine comédie » dont l’auteur est justement Dante. Pour en résumer l’histoire, Virgile conduit Dante à travers l’enfer et le purgatoire pour le salut de son âme. Dante sera ensuite guidé par Béatrice, sa muse, au paradis. Cette interprétation de la divine comédie dessinée par Charles Carrère me séduit totalement. Il me montre alors un autre dessin titré « Vladimir et Estragon », me dit que la souche d’arbre c’est Godot et que ces deux personnages attendent Godot. Et puis, il feint de ne pas se souvenir du nom de l’auteur de la pièce. J’ai de la chance car je connais la réponse : c’est Samuel Beckett. Et là, c’est tout bon, avec cette réponse j’ai réussi mon « examen de passage ». Et nous parlons de la Belgique, de l’amour des belges pour le surréalisme.

Des rendez-vous réguliers

C’est alors que commencent nos longs rendez-vous qui vont s’étaler jusqu’à sa disparition en février 2021 et durant lesquels il va accepter la présence de ma caméra. Nous parlerons très sérieusement des vitraux évidemment, mais aussi des mosaïques et de toute son oeuvre d’artiste. Ci-dessous un exemple du résultat de nos rendez-vous avec la vidéo du caprice « Vladimir et Estragon » et les succulents commentaires de Charles Carrère :

Charles Carrère me parle bien entendu de sa commune Anglet et des expositions qui lui ont été consacrées. Et puis il m’explique avoir fait des dons au Musée de Bayonne : des vitraux, des mosaïques et divers documents et qu’il aimerait que ses caprices s’y retrouvent aussi. Je lui parle de mon idée de créer des vidéos comme celle-ci et je lui dis que ce serait bien que le public puisse profiter de ses caprices. Il me parle de l’arrivée d’un nouveau conservateur pour le Musée de Bayonne et m’invite à assister avec lui à une réunion des « Amis du Musée Basque » parce qu’il sait que Sabine Cazenave le nouveau conservateur sera présente.

Une rencontre et tout s’accélère

Et en effet, Sabine Cazenave est là, elle remarque tout de suite Charles Carrère, vient le saluer et lorsqu’il se présente lui fait savoir qu’elle a déjà pris connaissance de ses dons au musée. Charles Carrère est agréablement surpris mais l’interrompt et lui dit « Ce n’est pas de moi qu’il s’agit ici, je voudrais que vous donniez un rendez-vous à madame Cailliau pour qu’elle vous présente ses projets ». Quelques jours plus tard, je rencontre Sabine Cazenave, je lui montre mes réalisations sur Charles Carrère et tout s’enchaîne… Et j’emmène Sabine Cazenave pour une rencontre avec Charles Carrère chez lui à Bellite.

Je l’y emmènerai plusieurs fois à la grande joie de Charles Carrère.

Le projet et l’idée du titre « Les Caprices de Charles » ont germé dans l’esprit de Sabine Cazenave qui propose cette appellation qui ravit l’artiste. Je vais pouvoir travailler avec elle, j’apprendrai beaucoup à son contact et je lui en suis très reconnaissante.

Une bien triste nouvelle…

Le 9 février 2021, Charles Carrère nous quitte. Sabine Cazenave et moi-même sommes tristes de ce départ et désolées qu’il ne puisse voir son exposition prévue pour le 4 novembre 2021.

L’exposition est un succès


Charles Carrère aimait beaucoup l’idée de Sabine Cazenave d’installer ses caprices dans des caisses américaines.

Les vidéos des caprices sont visionnées sur les tablettes installées sous les caprices originaux. Un panneau explique que Charles Carrère n’est pas quelqu’un que l’on dirige même pour un tournage sur ses oeuvres !

Clin d’oeil du temps…

Je termine ce Focus avec le souvenir de l’émotion ressentie lorsque j’avais pris en photo en début d’année 2022 le kakemono installé sur la façade du Musée Basque et de l’histoire de Bayonne où le nom de Charles Carrère figure en haut de l’affiche.

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